Etat de droit
L'étude de novembre 2008 / mars 2009
Les « arguments » les plus utilisés pour défendre l'idéologie anti-sanction à l'école
Ou « facho » ou pire... Si l'on ne veut pas se faire étiqueter ainsi à cause de cette petite dictature
intellectuelle très française (quoique aussi occidentale) il faut absolument se positionner CONTRE la sanction à l'école.
En étant contre la sanction, on est le Bon contre les méchants, le « progressiste » face aux conservateurs ou
aux « réacs ». Et comme, semble-t-il, une majorité de professeurs se disent « de gauche »
(si cette expression a encore un sens), on comprend qu'une majorité de professeurs rejettent, sur cette base,
toute idée de sanction dissuasive à l'école.
Pourquoi est-ce un mauvais argument ? Etat de droit — qui est totalement
indépendant de tout parti politique, de tout syndicat, de toute religion, de tout
groupement corporatiste, de toute organisation quelle qu'elle soit... — s'attache ici à le démontrer :
1. Regardons d'abord l'actualité en face : quel est le grief
qui ressort sans arrêt en ce moment à propos de la crise financière (et bientôt économique) mondiale ? On accuse
la déréglementation financière internationale, laquelle est généralement assimilée à un «
capitalisme sauvage », œuvre des « ultra-libéraux » qui, eux-mêmes, ne sont pas vraiment associés
à « la gauche »... Or, que se passe-t-il dans nos écoles primaires — et presque autant dans nos
établissements scolaires du secondaire — où les comportements très graves ne peuvent pas
être réprimés à hauteur de leur gravité ? Eh bien nous nageons en pleine déréglementation scolaire !
Les anti-sanction disent : laissons la discussion s'engager avec les professeurs, ne stigmatisons pas (en voilà encore
une, d'expression bien à la mode et bien pratique pour éviter de réfléchir...), tâchons de comprendre les raisons
personnelles qui ont poussé tel élève à tordre le coup à cet autre élève. Ils nous disent encore : n'excluons personne !
Il est interdit d'interdire ! Soyons toujours plus à l'écoute ! DIA-LO-GUONS ! (Comme quelqu'un d'autre dirait :
FRA-TER-NI-TÉ !)
Oui d'accord... Mais en attendant, en n'empêchant pas les élèves les plus indisciplinés et violents de continuer à
l'être, nous laissons s'installer une totale déréglementation des comportements à l'école. Les mêmes,
qui crient à hue et à dia contre l'ultra-libéralisme économique, sont les ultra-libéraux de notre école publique ! Ils
sont contre toute contrainte à l'école. Ils résistent contre le moindre frétillement de réglementation comportementale à
l'école primaire. Ils sont contre tout renforcement de l'autorité dans les établissements secondaires. L'odieuse autorité !
Quoique... Pas toujours. Si c'est contre les banquiers, d'accord pour l'autorité, d'accord pour la punition, soyons très
sévères. Mais l'Éducation, Madame, Monsieur, c'est autre chose ! C'est bien plus Noble que ces vulgaires questions
d'argent ! Cela se passe d'autorité ! Devinette : un banquier est mercantile, un expert autoproclamé de l'éducation est
prétentieux ; les deux sont dans un bateau ; qui va le couler ? Les deux, mon capitaine ! Le banquier parce qu'il fera
des trous dans la coque pour fabriquer des pièces, l'éducateur parce qu'au lieu d'attacher le banquier au mât il trouvera
plus « éducatif » de lui dire que c'est vilain-vilain de faire des trous dans le bateau.
Bon, il faudrait savoir. Si l'on veut être un tout petit peu cohérent avec soi-même (mais le veulent-ils au fait ?),
on devrait admettre que ce qui est bon pour l'autre devrait aussi l'être pour soi-même, et que si l'on est contre le
principe de la déréglementation des pratiques bancaires il devient difficilement défendable d'adorer (comme on adore
une idole) le même principe de déréglementation lorsqu'il s'applique aux enfants. Eternel aveuglement des adultes !
Nous sommes si nombreux à n'avoir toujours pas compris qu'un enfant deviendra un adulte ! (Sauf à mourir, hélas,
avant l'âge adulte.) Les évidences les plus évidentes semblent inaccessibles à certains.
Pour aller jusqu'au bout de notre pensée, certains éducateurs d'aujourd'hui (mais il faut dire aussi que toute leur
formation est orientée en ce sens) semblent enfermés dans cette idée que l'enfant, de part un statut particulier,
appartiendrait à une sorte d'humanité différente, parallèle, déconnectée de celle des adultes. Problème :
à force de retarder au
maximum l'apprentissage de la responsabilité individuelle, on la laisse surgir brutalement au lieu de
la rendre progressive et c'est en cela que le train de l'éducation déraille : on a oublié de
lui mettre des freins... On a oublié que la sanction, ça n'est somme toute qu'un frein.
Ceux qui disent : attention à l'abus de sanction !
ont préféré enlever carrément les freins de peur qu'ils soient mal utilisés. Au lieu de prendre
le risque de la réussite collective, ils nous ont assuré
l'échec scolaire de masse dans les écoles et
pour longtemps. Car un train sans frein met longtemps à s'arrêter... C'est le résultat du produit de l'inertie et de
la « liberté » sans condition... Fausse liberté au demeurant puisque l'on voit bien qu'en fin de compte,
trop de liberté tue la liberté. Au moment où l'on s'en aperçoit enfin, avec les excès de la déréglementation
financière internationale, il serait bienvenu que l'on s'en aperçoive aussi en matière de discipline à l'école.
On notera au passage que le dispositif du site Etat de droit prévoit «
des freins au frein »,
c'est-à-dire la prise en compte des effets secondaires de la sanction, toujours possibles,
pour que ne subsiste que son effet préventif principal. C'est en cela qu'est omniprésent, sur ce site et dans
ses propositions, le souci des limites, des garde-fous,
de la juste proportionnalité, de la bienveillance aussi
(souvent rappelée même si dans ce dernier cas il n'est guère possible de l'institutionnaliser formellement),
tous principes qui doivent impérativement être rattachés à celui de la sanction. Et toutes choses qui n'ont rien à
voir avec des questions de politique partisane, qu'elle soit « de droite » ou « de gauche ».
2. On associe aussi la sanction à de la « répression »,
finalement à « l'ordre » (au sens le plus dur) et donc à du conservatisme. Mais que propose le site
Etat de droit ? Du changement ! Et que proposent les anti-sanctions ? Surtout ne rien changer !
Ce sont ceux-là, qui sont partisans du statu quo, qui donnent des leçons de changement, de dynamisme et de progrès !
On croit rêver.
Disons-le un peu autrement que ci-dessus : le projet complet présenté par le site Etat de droit
ne ressemble ni au présent ni au passé, ni aux excès d'aujourd'hui ni aux excès d'hier ! Il
s'agit d'un projet véritablement nouveau pour l'école qui repose sur l'idée fondatrice suivante :
l'équilibre. L'équilibre des pouvoirs. L'équilibre entre sévérité et tolérance. Avec aussi, il
faut le dire, un objectif : l'efficacité. L'efficacité n'est pas un gros mot : les Français se
plaignent souvent du poids des impôts. Eh bien, une école efficace, c'est aussi une école qui
coûte moins cher pour des résultats meilleurs. Est-ce « de droite », est-ce « de gauche
» que de dire cela ? L'essentiel n'est-il pas de permettre à un maximum d'élèves de savoir lire, écrire
et compter en arrivant au collège ?… Cet équilibre, cette efficacité, Etat de droit les
fusionne en une seule expression : la ferme modération.
3. Par ailleurs, La Gauche revendique en permanence le souci de la
défense des plus faibles. Or, Etat de droit souscrit totalement à cette nécessité et
à cet humanisme. Car à qui serviraient-elles d'abord, les sanctions à l'école primaire, si elles
existaient enfin un jour ? Aux faibles parmi les faibles ! C'est-à-dire aux enfants victimes à l'école,
victimes pour l'essentiel d'autres enfants qui leur font subir violences et contraintes arbitraires. Notons qu'en disant
cela, Etat de droit s'intéresse autant aux enfants violents qu'à leurs petites victimes : le but de la
sanction étant de limiter (sans l'interdire totalement) le processus de transgression, en punissant
/ sanctionnant réellement l'enfant qui transgresse les règles de façon trop dangereuse ou trop systématique
on l'aide à s'inscrire dans la société pour le bénéfice de tous. Y compris de lui-même bien
entendu. Par conséquent, si la défense des plus faibles appartient à La Gauche, la sanction NE PEUT PAS être
un principe « de droite ».
4. Pour illustrer encore le propos, amusons-nous maintenant à quelques
nouvelles petites devinettes. Qui a écrit (dans l'un de ses derniers livres) : A force d'être materné, l'enfant ne
grandit pas. Il reste avec ses petits choix de gosse, son horizon limité, ses colères soudaines, ses caprices et
ses peurs ? Réponse : Guy Gilbert, le très médiatique Curé des Loubards. Est-il « de droite » ?
Qui a écrit : On peut être cruel en pardonnant et miséricordieux en punissant ? Saint Augustin.
Un « facho » avant l'heure ?
Où est-il dit que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ?
Dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ses rédacteurs étaient-ils inspirés
par on ne sait quelle tentation autoritariste ou liberticide ?
Qui a dit : Il nous faut sortir du faux dilemme, du faux débat entre prévention et répression dans lequel, depuis
quarante ans, on a enfermé la réflexion sur la délinquance dans notre pays. Il faut réhabiliter la sanction d'un
point de vue éducatif, et je rangerai la sanction du côté de la prévention. ? Jean-Marie Petitclerc,
éducateur spécialisé, dans le rapport Schosteck. (Et on
a vu que le site Etat de droit y souscrit
bien sûr pleinement.)
On pourrait ainsi en trouver beaucoup comme ceux-là — des gens qui s'occupent souvent des plus défavorisés et qu'il
serait bien difficile de classer très « à droite » — qui prônent haut et fort l'utilité de la punition
ou sanction véritable en éducation. Répétons-le : du moment que la bienveillance et le discernement y sont, la punition
et la sanction ne sont PAS « de droite » ou gauche ! Et encore moins des valeurs négatives ! Il s'agit-là,
simplement, d'éducation au
sens premier du terme : l'apprentissage des limites, du respect des règles et de la vie en société. Cette question
est fondamentalement apolitique : cessons donc de mêler le principe de punition ou sanction avec
de ridicules guéguerres partisanes, totalement étrangères à l'état d'esprit du site Etat de droit.
2006-2009 © Etat de droit / Jean-Yves Willmann