Etat de droit
[9 juin 2006]
Proposition E1 Proposition complète
Pourquoi
Pourquoi
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1 — Très fidèle à son intitulé, l'actuelle Convention ne parle QUE de droits,
rien que de droits. Le mot est cité des dizaines et des dizaines de fois, l'intérêt supérieur de l'enfant est
évoqué de manière récurrente, mais les notions de devoir ou d'effort, pour ce qui le concerne, sont totalement
inexistantes... En somme, comme nous allons le voir plus en détails, à aucun moment il n'y est
question de l'apprentissage de la responsabilité individuelle ; c'est même tout le contraire. A croire
qu'un enfant ne deviendra jamais adulte ! (Et à force d'y croire, on y arrive...)
Or, les textes antérieurs étaient beaucoup plus équilibrés : tout orientés vers les droits qu'ils étaient,
ils ne parlaient pas QUE de droits !
A titre de comparaison, la Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959 n'en
oubliait pas le devoir du service rendu à la collectivité : [l'enfant] doit bénéficier d'une éducation
qui […] lui permette […] de développer […] son sens des responsabilités morales et
sociales, et de devenir un membre utile de la société. (…) Il doit être élevé […] dans le
sentiment qu'il lui appartient de consacrer son énergie et ses talents au service de ses semblables.
De ces quelques phrases modératrices il ne reste plus rien... Où est le progrès ? Prenons
le thème des loisirs : la Déclaration de 1959 parlait du droit de se livrer à des jeux et à des activités
récréatives, qui doivent être orientés vers les fins visées par l'éducation ; en 1989, la Convention ne
parle plus que de se livrer au jeu et à des activités propres à son âge. Beaucoup traduisent
ce genre de phrase épurée par des jeux vidéos violents...
Si on la compare à présent avec notre célèbre Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789, les différences sont encore plus saisissantes. Selon cette dernière,
la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (art. 4),
la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (art. 6),
la garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique (art. 12).
Liberté mais Limites. Protection ou Punition. Droits et Contrainte. Voilà le programme. Nous
avons raison d'en être fiers : il était mesuré. Deux siècles plus tard, rien de tout ce
bel équilibre n'a été maintenu. Commémorons...
2 — Certains articles de la Convention de 1989 s'avèrent particulièrement
excessifs. Plutôt que de les citer tous, contentons-nous de quelques exemples frappants. [On trouvera ici
le texte dans son intégralité.]
L'article 13 indique : L'enfant a droit à la liberté […] de répandre des
informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières [et par tout moyen
de son choix]. C'est énorme ! D'autant que le mot restrictions — qu'il faut déjà arriver à trouver
— apparaît de façon si floue, si théorique... qu'il en disparaît lors du trajet qui mène à l'école ! [Cf.
argument 4.] Dès lors, il ne faut plus s'étonner si les élèves se permettent des écarts
de langage grandissants, si insultes et mensonges se sont complètement banalisés, si les menaces de mort
(sérieuses) fusent désormais dès le primaire, si des élèves développent allègrement l'idée que la Shoah
n'aurait jamais existé tandis que, dans le même temps, des élèves allemands de passage en France se font
caillasser et traiter de « sales Boches »...
Tout semble fait, dans ce seul article, pour encourager la bêtise et l'incivilité.
Examinons maintenant un extrait de l'article 40 : Les États parties reconnaissent
à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit
de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle. Qu'est-ce à dire ? En dit-on
autant pour les enfants victimes ? Qu'est-ce qui peut bien favoriser le sens
« de la dignité et de la valeur personnelle »,
à part les récompenses ? Et comment faut-il donc valoriser les infractions ? Par quel
encouragement, quel développement du caïdat ? On aurait préféré plus de prudence... A commencer par ne pas mettre
dans le même panier le suspect, l'accusé et le convaincu. Pour ce dernier, par exemple, on aurait pu s'en tenir à ce que toute sanction
soit proportionnelle aux actes commis et que fussent prévues des actions de réinsertion. Ç'eût été déjà
une protection importante, à partir du moment, bien sûr, où les pays signataires l'eussent rendue effective...
[Ce qui,
malheureusement, est souvent un leurre, étant donné leurs infinies «
réserves ».] Mais non ! Il a fallu céder
à des propos laissant libre cours à toutes les interprétations possibles.
Facteur aggravant, nous avons une fâcheuse tendance à imaginer que les sévices contre les enfants seraient
toujours a priori le fait d'adultes, ce que la Convention corrobore, sans aucun esprit de discernement, dans
son article 19 : il faut protéger l'enfant contre toutes formes de violence […]
pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de
toute autre personne à qui il est confié. Nous avons réussi à éluder une bonne partie du problème !
Pour ne pas dire que nous l'avons créé. Car dans notre monde occidental des années 1990 et 2000, les enfants victimes
le sont beaucoup... d'autres enfants. Et c'est là que le bât blesse : en leur abandonnant le terrain de la contrainte,
les adultes ont laissé se propager beaucoup plus d'excès et d'arbitraire que s'ils en avaient gardé le contrôle.
Car si la Convention regorge de beaux principes, nulle part on ne trouvera mention d'une quelconque
sanction prévue à l'encontre d'un mineur qui ne les respecterait pas ! Et tout est fait,
d'ailleurs pour qu'il ne les respecte pas : il n'est qu'à voir les quelques extraits ci-dessus, d'une part, et les
amplifications (voire les déformations) régulièrement commises, d'autre part. [Voir ci-dessous.]
Du coup, l'enfant a le champ beaucoup plus libre qu'avant pour devenir un loup pour l'enfant...
Ainsi, au lieu de protéger ce dernier, la Convention produit l'effet inverse. On en
voit la triste illustration en France avec l'augmentation vertigineuse de la délinquance
juvénile depuis le début des années 1990 et tout particulièrement à partir de 1994 (d'après le
rapport Schosteck) ou 1995 (d'après les Renseignements Généraux, concernant les violences scolaires),
c'est-à-dire cinq années seulement après la signature de la Convention.
Juste le temps que les effets se fassent sentir...
Et qui en pâtit le plus ? L'enfant bien sûr, cet enfant que l'on met sur un piédestal pour que la chute n'en soit
que plus dure... Qu'on en juge : 80 % des actes de violence commis par les mineurs le sont à l'encontre
d'autres mineurs ! Quatre faits sur cinq ! (M. Petitclerc, éducateur spécialisé, auditionné le 27 mars
2002 dans le cadre du rapport Schosteck.) On le voit, il aurait beaucoup mieux valu se concentrer sur les droits
vraiment fondamentaux et garder un esprit d'équilibre : être moins ambitieux dans la théorie mais
plus efficace dans la pratique. Et pour le moins : éviter d'être contreproductif.
3 — La Convention a largement influencé l'évolution de notre système
scolaire français. Il n'y a pas que Mai 68 ! Puisque nous l'avions ratifiée, nous devions mettre notre
législation interne en conformité avec elle, ce que nous nous efforçâmes de faire à en croire les instructions
ministérielles qui suivirent : Il revient aux enseignants de sensibiliser leurs élèves à l'importance
de ce texte [la Convention], de portée universelle, dont les contenus sont
repris en écho dans les programmes d'éducation civique au collège (B.O.E.N. du 6 novembre 1997) ; le
règlement intérieur doit se conformer aux textes juridiques supérieurs tels que les textes internationaux
ratifiés par la France (…), la Convention étant expressément citée (circulaire n° 2000-106).
Ainsi, contrairement à moult textes qui restent lettre morte, la Convention a réellement contribué à marquer les esprits, les jeunes esprits, malheureusement dans
le mauvais sens : celui de la permissivité à outrance. Si les adultes n'en ont guère conscience, s'ils
ignorent bien souvent jusqu'à l'existence même de cette Convention, les enfants, eux, la connaissent,
en sont imprégnés, pour ne pas dire imbibés. Et il faut voir de quelle manière :
4 — Les présentations vulgarisées de la Convention en accentuent bien
souvent les excès. Voyons d'un peu plus près, justement, ce B.O. du 6 novembre 1997 : l'article 13,
mentionné ci-dessus et consacré à la liberté
d'expression, est présenté SANS son deuxième paragraphe (celui qui envisage
quelques restrictions) tant dans le tableau sur la «Convention et les programmes de l'école
primaire» que dans la partie intitulée «Actions pédagogiques […] au collège
et au lycée». C'est le genre d'oubli particulièrement suspect. On aurait voulu faire proliférer les
dérapages verbaux entre élèves qu'on ne s'y serait pas pris autrement...
Chez certains de nos amis québécois, on ne s'embarrasse pas non plus d'être fidèle à la Convention : il n'est qu'à
voir ce qu'en dit la section canadienne francophone d'Amnistie
internationale (en collaboration avec UNICEF Canada), page découverte en mai 2003 [à l'ancienne adresse : http://www.ulaval.ca/amnistie/enfant/unicef.htm] et restée inchangée
depuis. On y apprend que la Convention reconnaîtrait aux enfants le droit d'exprimer une opinion
éclairée ; on «apprend» également qu'ils doivent pouvoir revendiquer
leurs droits, assumer leurs responsabilités de citoyens... Ou bien encore : L'enfant a le
droit d'être protégé contre la consommation de stupéfiants […]
et contre son utilisation dans la production et la diffusion de telles substances.
Or, dans la Convention proprement dite, nulle part on ne lit que les enfants ont une opinion «éclairée». (Au contraire, le préambule évoque un manque de maturité physique
et intellectuelle.) De même, il n'est pas stipulé qu'ils doivent pouvoir revendiquer ; et encore
moins qu'ils seraient Citoyens à part entière...
Quant à la vente de drogue, l'article 33 ne mentionne pas qu'il faille les protéger mais que les Etats parties
doivent empêcher qu'ils y participent ; et le mot droit, pour une fois,
n'apparaît pas... On le voit, à trop vouloir en faire, nous inversons le cours du progrès désiré : nos
intentions peuvent être excellentes mais la manière de les mettre en œuvre, contreproductive.
Reprenons en effet le dernier point. Nos cousins du Québec auraient-ils envisagé le cas d'un enfant de 8 ou 9 ans
participant à un trafic sous l'emprise d'adultes menaçants ?… Possible. Mais c'est oublier qu'au sens de la
Convention (article 1) on est enfant jusqu'à 18 ans ! D'après leur généreuse présentation, un dealer de 16 ou
17 ans pourrait donc revendiquer le droit d'être protégé avant tout. Pratique. Surtout en cas de «flag» : on m'a utilisé ! faut m'protéger au lieu d'me punir !
'chais d'quoi j'parle !
L'affiche :
Un doigt d'honneur... Dans ma nouvelle classe ! L'enfant qui nous en gratifie est tout sourire, photographié avec
plusieurs autres, au beau milieu d'une affiche trônant sur l'armoire qui jouxte le tableau noir. Tiens ! En fait, ils
sont deux à nous présenter leur médius tendu, mais le deuxième enfant est au tout premier plan ; c'est tellement gros
(donc flou) qu'on le distingue moins bien au premier coup d'œil... [Photographie : Nordine Chakri / Editing]
Je recule et je lis : Convention internationale des droits de l'enfant.
Nous sommes en 2002. Les mots sont de toutes les tailles et de toutes les couleurs.
J-Y W.
On serait tenté de penser : l'essentiel, après tout, n'est-il pas que le texte original soit de bon aloi ?
Mais ce serait un peu simple. Il est de ces copies vulgarisées qui génèrent plus d'influence que l'original.
Comment en effet pourrions-nous croire que les enfants vont lire le vrai texte dans son intégralité ? En général,
ce qu'ils en savent provient des résumés qu'on leur a préparés, des extraits qu'on leur montre, des images qu'on
exhibe... C'est sur ces bases-là qu'ils se forgent leur conception du monde, le réduisant à une interminable
liste de Droits.
5 — Après avoir expliqué pourquoi la Convention nous est particulièrement néfaste, telle
qu'elle a été rédigé puis présentée, on pourrait se poser la question de savoir si elle n'aurait tout de même pas
eu de quelconques effets bénéfiques, notamment dans les pays où les droits des enfants sont les plus bafoués.
Hélas... C'est sans compter les très nombreuses, voire exhorbitantes « réserves »
que les pays les moins démocratiques se sont autorisés à émettre. Et en fait un peu tous les États
soi-disant signataires.
Exemples typiques : Le Gouvernement de la République islamique d'Iran se réserve le droit de ne
pas appliquer les dispositions ou articles de la Convention qui sont incompatibles avec
les lois islamiques et la législation interne en vigueur. (...)
La République arabe syrienne formule des réserves à l'égard des dispositions de la Convention qui ne sont pas
conformes à la législation arabe syrienne et aux principes de la charia. Etc. etc. Les modèles se suivent et
se ressemblent, presque à l'identique. A tel point que Chahdortt Djavann écrivait en 2003 : Dans les pays musulmans,
[…] aucune loi ne protège les enfants. (Bas les voiles ! Editions Gallimard.) C'est dire l'efficacité
de la Convention, quatorze ans après sa signature...
Bien entendu, il n'y a pas que les pays musulmans qui font passer ladite
Convention loin derrière leurs propres lois. L'Occident n'est pas en reste : lors de la signature, le Royaume-Uni
et l'Irlande se réserv[aient] le droit de formuler au moment de la ratification toutes déclarations ou
réserves qu'ils jugeraient nécessaires. On se réserve le droit d'être réservé ! La
France aussi, du moins ponctuellement, rectifie ce qui l'incommode. Et le Saint-Siège ne se prive pas non plus, qui
soumet l'application pratique de la Convention à la nature particulière de l'État de la Cité du Vatican
et des sources de son droit objectif, ou bien encore à sa législation en matière de citoyenneté,
d'accès et de résidence.
Dernier exemple : le Mali déclare que l'article 16 de la Convention n'a pas lieu de
s'appliquer. Article 16 (extrait) : Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales
dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance (…). Chacun déduira.
[On pouvait trouver — au moins jusqu'en 2006 — la liste complète de ces réserves sur le
site
officiel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, situé à Genève.]
En définitive, il n'est pas question, pour de très nombreux Etats, de changer quoi que ce soit à leurs habitudes.
Convention ou pas, c'est du pareil au même : on la signe tout en précisant bien qu'on n'en appliquera
que ce qu'on en applique déjà ! C'est-à-dire pas grand-chose pour certains... L'important, c'est de faire partie
de la liste (des «signataires»). C'est ça qui compte. Honte à ceux qui ne signeront
pas ! A propos, qui n'a pas ratifié ?… Les Etats-Unis. (Et la Somalie.) Encore EUX !
Mais NOUS, nous tous qui avons approuvé, adhéré, ratifié, qui nous trouvons beaux et vertueux, nous serrant la main
(le champagne dans l'autre), la larme à l'œil (les armes à l'étude) — et les toasts et les embrassades...
pensions-nous encore un peu à eux, à ces chers enfants, au moment de notre paraphe ??
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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006