Les débats d'Etat de droit
Si l'Education nationale renferme maintes réalités, l'école fait surtout penser aux élèves, professeurs, activités pédagogiques... A la cantine aussi ! Et parfois au règlement intérieur, quoique sur cette question, renvoyant à celle de l'autorité à l'école, Etat de droit continuera de dénoncer la faiblesse des normes actuelles. Disons que la notion d'école est dépouillée de l'aspect administratif de ladite Education nationale (avec ses statuts, ses carrières, etc.), ce qui nous permet de recentrer le débat autour du fonctionnement pratique de l'Institution.
Grand écart entre les écoles : autant de métiers différents
Une école sans véritable autorité peut-elle être crédible ?
L'école et l'autorité dans le passé
L'école et l'autorité aujourd'hui
Il n'y a pas UNE école en France, la République française étant elle-même de moins en moins une et indivisible, mais DES écoles, des types d'école aux réalités très disparates les unes des autres, notamment en termes d'autorité effective, du fait que l'autorité institutionnelle se soit vue remplacée par une soi-disant « autorité contractuelle » ou autres « autorité du savoir », autorité naturelle... Sur le terrain, les professeurs se rendent bien compte que ce n'est pas le même métier d'être professeur dans l'école A ou professeur dans l'école B. C'est-à-dire qu'en cas de gros conflits dans une école, vu la perte d'autorité institutionnelle décrétée au Ministère de l'Education Nationale, cette école peut partiellement se retrouver sous un contrôle parental exagéré voire sous l'autorité judiciaire.
Non ce n'est pas la même chose d'être professeur dans une école avec des élèves difficiles et professeur dans une école où, l'éducation ayant été prodiguée à la maison, il ne reste «plus qu'à» instruire. En effet, l'instruction à l'école est suffisamment complexe en soi pour comprendre que si l'on doit y ajouter l'intégralité de l'éducation [éducation au sens restreint] les chances de succès seront moindres...
Bien entendu, tout le monde n'est pas d'accord sur les causes des dysfonctionnements de notre école actuelle. Le petit monde de l'éducation, dans ses diverses composantes, est en perpétuelle effervescence et conflit pour attribuer à ceci plutôt qu'à cela la débâcle de l'école. A l'image de nos irréductibles Gaulois, on se chamaille à n'en plus finir mais les problèmes de l'école perdurent.
Dans cette grande mêlée, la contribution d'Etat de droit sur l'école
se limite à :
— développer la question de l'autorité à l'école et du pouvoir des professeurs, y compris en termes
de punitions ou sanctions, jusqu'à ce que cet aspect du débat sur l'école ne soit plus tabou en France ;
— présenter des propositions concrètes et techniques qui permettraient de renforcer cette
autorité à l'école.
Sans mésestimer l'importance des thématiques développées par d'autres, sur l'école, Etat de droit estime que l'autorité à l'école comme l'autorité institutionnelle en général sont aujourd'hui devenues des questions cruciales.
L'école de la République ressemble de plus en plus à un gruyère dont les cavités seraient chaque jour un peu plus grandes pour cause de Territoires perdus de la République. Même si ce phénomène dépasse le seul cadre de l'école, notre laxisme institutionnel a directement fragilisé l'autorité à l'école. Plus exactement, s'il restera toujours des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et lycées qui fonctionnent bien, le nombre de ceux qui dysfonctionnent grandit... C'est sur cette école malade qu'il nous faut nous pencher.
Dans le débat sur la débâcle de l'école, les antagonismes tournent beaucoup autour des questions de méthodes, de moyens financiers, manuels scolaires... mais plus rarement autour de cette question de l'autorité à l'école, du maintien d'une discipline minimale, avec comme corollaire l'existence en nombre suffisant de punitions et sanctions officiellement autorisées à l'école à disposition du corps enseignant et des professionnels de l'école en général.
Certes, le thème de l'autorité à l'école vient d'être redécouvert par certains, mais c'est pour mieux l'enterrer : en travestissant le mot autorité, appliqué à l'école, ils ont réussi à maintenir cette école dans un statu quo où l'irrespect et l'indiscipline demeurent prégnants. C'est pourquoi il serait temps de redonner aux mots leur vrai sens, à l'autorité les notions qui s'y rattachent (comme le pouvoir de se faire obéir) et à la sanction ses deux attributs : la contrainte et le désagrément.
Mais à l'école ce vœu reste pieux. Comme l'écrit la psychologue Anne Jolly, installée à Reims (Champagne), les sanctions à l'école — les rares fois où il en serait question — sont plus couramment présentées sous leurs aspects éducatifs que punitifs, mais cela correspond également à une vision socialement présentable de la sanction. C'est peu de le dire ! Et c'est là tout le problème : quand on « sanctionne » aujourd'hui à l'école, c'est toujours à reculons, en opposant éducation à punition pour être présentable... La bien-pensance s'est durablement invitée à l'école.
Or, c'est plutôt en redécouvrant l'école réelle — école peuplée d'élèves en recherche de limites — que l'on en fera non pas une école idéale mais une école globalement agréable et efficace avec parfois quelques punitions ou sanctions qui tombent, mais seulement pour aider cette école à remplir sa mission. Car il est un de ces paradoxes qui nous échappe encore : plus l'école sanctionnera tôt, moins l'école aura besoin de sanctionner.
Pause ! Avec le SITE des ENFANTS à l'école (classe de CE1) et ses histoires d'enfants de 7 à 8 ans.
Comment en est-on arrivé à ne presque plus sanctionner ni punir à l'école ? Par réaction. Comme souvent, c'est la réaction qui l'emporte sur la réflexion. Même si cette réaction-là — plus communément appelée idéologie — s'étend sur plusieurs décennies. Ainsi, du fait qu'il y eut auparavant trop d'autorité à l'école (d'après nos normes actuelles), on décréta la fin de l'autorité à l'école quoique l'on s'en défende : au lieu de tourner la barre à 45° ou 90°, on la tourna à 180°. Et à force de manquer d'autorité, nous risquons à terme de nouveau l'excès inverse...
Plus on remonte dans le temps, plus le niveau d'autorité à l'école — ou de sévérité à l'égard de l'enfant, qu'il soit à l'école ou à la maison, ou dans les champs ou dans les mines... — semble excessif. Rappelons qu'il s'agit-là d'un point de vue occidental puisque dans maints endroits du monde l'école reste un luxe et que le problème de l'autorité à l'école ne se pose donc pas : quand un enfant marche deux heures sous un soleil de plomb pour aller à l'école, ce n'est pas pour ensuite manquer de respect à son professeur ! L'autorité est aussi affaire de géographie.
Mais restons en France, quoique dans la France du passé. Notre petite échelle de l'obéissance l'a montré : l'autorité à l'école était sans doute (globalement) plus forte sous Giscard qu'aujourd'hui, elle était sans doute plus stricte sous François Truffaut que sous Giscard, et la condition de l'enfant plus dure du temps des Misérables que dans Les 400 coups...
Pourquoi faut-il rappeler cette évolution ? Parce que ceux qui rejettent au plus profond d'eux-mêmes le principe de l'autorité à l'école fondent leur rejet sur le souvenir de l'école des années 1950. Surtout s'ils l'ont connue ! Nous sommes tous un peu prisonniers de notre enfance... Or, à trop voir l'école de notre enfance on ne voit pas l'école d'aujourd'hui. On ne distingue qu'un excès d'autorité autrefois mal vécu, mais pas du tout l'état actuel de l'autorité à l'école : une autorité d'autant plus fragile que le mot est claironné.
Si l'école d'antant nous apparaît aujourd'hui trop autoritaire, l'eau a coulé sous les ponts depuis. Les circulaires ont inversé la tendance. Lentement mais sûrement. La nouvelle tendance a fini par prendre le total contre-pied de l'ancienne plutôt que chercher à la tempérer. Et les professionnels de l'école ont perdu tout pouvoir à l'école...
Une directrice d'école élémentaire, si elle se fait insulter par un élève, si elle voit ensuite ce même élève en agresser violemment un plus petit, si elle le voit casser volontairement du matériel ou ramener une arme à l'école, sait-on ce que cette directrice d'école peut faire face à cet élève-là ? Réponse officielle : elle n'a pas le droit de le renvoyer un seul jour, ni de le priver d'une récréation entière, ni même de lui donner trois lignes à copier... A quoi se résume « l'autorité » de la directrice d'école d'aujourd'hui, en fait ? A enfreindre les règlements !
Explication : elle n'est pas obligée d'outrepasser les règlements. Mais alors, en cas de violence grave dans l'école cette directrice d'école n'aura aucune autorité. Car aucun droit ! A part celui d'informer les parents (qui le sont déjà ou ne le seront jamais...) voire de les « convoquer » (les inviter à venir à l'école pour parler de leur enfant). Oui mais voilà, avec le type d'élève en question, il n'est pas certain que les parents se déplacent... Et que faire si des parents d'élève ne viennent jamais rencontrer la directrice d'école ? Rien. L'élève continuera de venir à l'école. Et les parents, quoiqu'en disent nos lois françaises, continueront de toucher leurs allocations familiales.
Reste la voie hiérarchique, dirons les théoriciens. Problème : l'IEN (l'Inspecteur de l'Education Nationale pour le primaire) ne va pas passer son temps à déplacer d'une école à l'autre des dizaines d'enfants déjà signalés ! Et quand bien même — très exceptionnellement — il en déplacerait UN, cela ne renforcera ni l'autorité de son ancien directeur d'école ni l'autorité du nouveau... Dans les faits, si un directeur d'école ou un professeur veut vraiment faire montre d'autorité, il doit donc utiliser des moyens non réglementaires : l'autorité personnelle remplace alors une autorité institutionnelle inexistante. Avec tous les risques que cela implique. Y compris qu'il en abuse.
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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006