Etat de droit
[1er septembre 2006]
Proposition E15 Proposition complète
Pourquoi
Pourquoi
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Il y a deux manières de nuire aux Etrangers (que nous sommes tous potentiellement) ou aux personnes d'origine étrangère : jeter l'opprobre sur eux ou s'interdire toute critique à leur égard. Il n'y en a qu'une seule qui puisse protéger durablement leurs intérêts et ceux de tous : les estimer, voire les récompenser, lorsqu'ils sont estimables ; les critiquer, voire les sanctionner, lorsqu'ils sont critiquables. En somme, les considérer comme tout un chacun : loger tout le monde à la même enseigne. C'est pourquoi, dès l'école, il est important de veiller à ce qu'aucune considération sur l'origine des élèves ne vienne bouleverser — dans un sens ou dans un autre — le jugement que peuvent porter d'une part les professionnels scolaires sur chacun d'entre eux et d'autre part les élèves eux-mêmes les uns envers les autres.
Ainsi apparaît-il de
plus en plus nécessaire que les propos ou actes d'élèves ouvertement racistes à l'école puissent faire l'objet de
sanctions immédiates et dissuasives. [Si cette catégorie d'infraction est commise par un professionnel, se reporter à la
Proposition E14.]
Ce qui n'est guère le cas à l'heure actuelle étant donné l'extrême faiblesse des moyens de sanction
à l'école primaire en particulier, mais aussi dans le secondaire,
du moins dans ces fameux territoires perdus de la République (Editions Fayard, 2002), selon
Marie Zeitgeber : on ne sanctionne […] presque jamais les agressions verbales entre élèves ; ceux
que l'on aura voulu épargner […] sont livrés à des clans gouvernés par la loi du plus fort ou à des
idéologies prêtes à recueillir leur amertume.
Très concrètement, on trouvera à l'occasion de la
Proposition
E8 une traduction — en termes de sanctions préconisées — de ces limites à ériger face
à l'intolérance primaire que constitue le racisme avéré.
De surcroît, il serait
essentiel qu'un même acte fautif soit sanctionné à peu près de la même manière
d'un élève à l'autre. Ce qui est souvent le cas mais pas toujours. Concernant la discrimination, force est
d'admettre qu'elle peut être soit «positive», soit «négative». Prenons un cas de figure un peu épineux : celui d'un élève d'origine
étrangère qui se comporte mal en classe. (D'aucuns diront : «qui éprouve des difficultés
comportementales».) Le fait qu'il soit d'origine étrangère peut alors constituer un problème pour
le professeur de base, qui n'a pourtant rien d'un raciste. Pourquoi ? Parce que dans certains contextes, les
professionnels scolaires peuvent se sentir un peu piégés par l'alternative suivante : soit ils osent déplorer ce
qu'ils constatent ou entendent au risque d'être soupçonnés voire accusés (de manière plus ou moins larvée) de jeter
l'opprobe sur toute une communauté ; soit ils se résignent à taire ce qu'ils voient... De fait, c'est habituellement
le deuxième choix qui est fait, entérinant ce «polissage» à la française —
tel qu'en parlent nombre de témoins étrangers — qui ne peut, sur la durée, qu'aggraver le niveau des violences
scolaires.
Sur le terrain, cela s'illustre fréquemment de la même manière. C'est par exemple cette ancienne collègue de CE2
qui se plaint de ce que les cinq ou six élèves d'origine [...] de sa classe sont particulièrement désobéissants,
et la directrice de répondre qu'on ne peut rien faire, expliquant à mi-mots mais de manière très
compréhensible que les punir serait interprété comme du racisme. Ou ce collégien qui amène une
véritable machette dans son cartable et ne prend en tout et pour tout qu'une petite heure de colle sous
prétexte que cela serait coutumier et normal dans son pays d'origine.
Plus révélateur encore, ce témoignage d'une enseignante en sciences économiques et sociales, à propos de ses élèves :
[…] Quant aux dérapages de langage, ils existent, mais est-ce du racisme ? Ils tentent parfois de
négocier leurs notes en me disant : « Vous n'aimez pas les Arabes », mais ils le disent sans le
penser et en sourient. […] (Le Monde, 28 février 2003.) En l'occurrence, il ne s'agirait
donc que d'une plaisanterie, d'un petit jeu complice. Mais est-ce toujours le cas ?… Qu'il s'agisse
d'un jeu ou pas, force est de constater que l'accusation de racisme se dégaine rapidement.
Et quoi qu'on en dise, de l'accusation de racisme facilement déployée au racisme lui-même, assumé au grand jour, il
n'y a parfois qu'un pas : Ils ne se sentent pas intégrés, disent qu'ils sont turcs ou
algériens, même quand ils ont la nationalité française, traitent les autres de « sales Céfrans
» (une jeune professeur d'anglais témoignant dans l'hebdomadaire L'Express du 31 août 2006).
Conséquence logique, la simple
peur d'être soupçonné d'avoir une attitude un tant soit peu discriminatoire envers les élèves peut conduire les enseignants
à noter mieux ou sanctionner moins tel élève par rapport à tel autre, créant de fait une
discrimination ! (Certes de type «positif», mais qui ne manquera pas d'exacerber
le sentiment d'injustice.) Du reste, ce type de réflexe ne se limite pas à l'origine des élèves : il serait plutôt
généralisé à toutes sortes de différences, réelles ou supposées, que l'on attribuera à certains par rapport aux
autres. Il suffit par exemple que tel ou tel adulte plaide en votre faveur sur le thème des «difficultés psychologiques» pour que, mécaniquement, vous soyez beaucoup moins
sanctionné qu'un autre à niveau d'infraction semblable.
Il faut rappeler ici que cet état de fait est entièrement guidé par les directives officielles : pour aller vite, on se
contentera de relire un court extrait de la circulaire
n° 2000-105.
Il est par conséquent devenu
vital de changer ce type de texte officiel et d'y ajouter les dispositions nécessaires en vue de
préserver élèves et professionnels de toute injustice et/ou atteinte à leur intégrité morale, qu'il s'agisse
aussi bien de l'honneur et du bien-être des premiers, quelle que soit leur origine, que de la réputation et de
l'autorité des seconds face à d'éventuelles accusations erronées ayant pour seul but de les déstabiliser.
C'est bien là tout l'objet de cette
Proposition E15
(et de sa traduction concrète en
E8).
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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006