Etat de droit
Troisième extrait de l'interview de J.Y. Willmann par C. Lacam (août 2008) :
Nous abordons la réforme de l'école en oubliant le premier socle. (00:01:58) | S'il est déjà difficile de trouver une aiguille dans une botte de foin, cela devient impossible lorsqu'on ne cherche pas dans la bonne botte ! Pourquoi les actuelles réformes de l'école sont-elles vouées à l'échec ? Parce qu'en évacuant la sanction par axiome, nous nous privons d'emblée du moyen le plus efficace de régler le problème croissant des incivilités en classe et à l'école.
On pourrait trouver quantité d'illustrations qui démontrent qu'un système sans sanction est
voué à l'échec :
Que se passerait-il s'il n'y avait plus jamais aucun radar sur les routes ?
Que se passerait-il si les employeurs n'avaient plus jamais le droit de renvoyer un salarié ?
Que se passerait-il si les salariés n'avaient plus jamais le droit de dénoncer aucun employeur ?
Que se passerait-il si l'électorat n'avait plus jamais le droit de sanctionner une personnalité politique ?
Que se passerait-il si les policiers et juges n'existaient plus, si les contrôleurs fiscaux n'existaient plus ?
Que se passerait-il si notre corps ne nous alertait plus en cas de problème (par la douleur ou la maladie) ?…
La réponse, on la devine : s'il n'y avait pas de sanction dans nos systèmes humains, les désordres, les crimes, les vies écourtées, les injustices, l'arbitraire, les souffrances, la terreur, le chacun-pour-soi, l'insécurité, l'impossibilité de se projeter dans l'avenir, tous ces maux se multiplieraient à la vitesse de l'éclair, de la lame, du bolide, de tous les égoïsmes livrés à eux-mêmes en une explosion de détresses humaines où se perdrait toute ébauche de civilisation.
En récusant d'emblée la sanction à l'école, nous faisons comme si l'école n'était pas un système humain, comme si l'école pouvait se passer d'un des principes fondamentaux de toute organisation sociale. On a voulu que l'élève soit « au centre » de l'école mais l'école s'est elle-même excentrée, exclue, déformée, diluée... L'élève est donc au centre d'on ne sait trop quoi ! Au « centre » d'une nébuleuse dont plus aucune limite n'est clairement définie.
Quel est un des principes de la cellule, c'est-à-dire de la Vie ? C'est qu'apparaît un « dedans » et un « dehors ». La cellule se nourrit de l'extérieur mais elle n'accepte pas tout ! Sinon elle meure... Hélas, en disant que l'école doit être un lieu ouvert, un espace-ressource à l'usage de toute la population, à l'image de ce qu'est aujourd'hui une bibliothèque, un centre culturel ou un équipement associatif (16 octobre 2003, quotidien Sud Ouest), l'ancien ministre délégué à l'enseignement scolaire — maintenant ministre de l'Education nationale — nous avait déjà prévenu que le principe des limites, l'exigence et la fermeté, ne feraient pas partie de sa réforme de l'école.
Ainsi, en continuant de nier le caractère indispensable de la sanction à l'école, nous nous privons du seul moyen réellement efficace de faire revenir un peu de sérénité dans les écoles où elle a disparu depuis bien longtemps. Etat de droit a déjà pointé du doigt un certain nombre de ces mythes de la réforme de l'école derrière lesquels nous continuons de courir inutilement, comme après un mirage, comme à la recherche d'une aiguille dans une botte de foin qui n'en contient pas...
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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006