Vincent12
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Posté le: 12 Oct 2011, 6:34 pm Sujet du message: Syndrome d'Outreau à l'école |
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Dans l'établissement où je travaille, j'ai pu observer des dysfonctionnements dans la manière dont est recueillie la parole de l'enfant ou de l'adolescent. J'ai inventé cette expression "syndrome d'Outreau" car il me semble que ce qui se passe dans mon établissement n'est pas un phénomène isolé mais fait réellement système. J'essaye de comprendre les origines de ce phénomène, mais vous allez peut-être m'éclairer. Dans un établissement tel que le mien, la parole du jeune (enfant ou ado) est sacralisée, elle finit par se substituer au réel. Le directeur de mon établissement, qui est psy, tient à ce principe comme à la prunelle de ses yeux. Il nous a expliqué que "Tant qu'il serait là il serait toujours très à l'écoute de l'élève". L'idée d'écouter l'élève ne me choque pas. Là où je ne suis plus d'accord, c'est quand cette parole devient sacrée, la seule écoutée, qu'elle vient se substituer aux faits et au réel, et qu'on l'utilise parfois pour mettre en difficulté les professionnels. Il me semble que, dans tous les métiers où on travaille avec des enfants, des ados, ou des handicapés, ce type de problème se pose. La personne qui est en situation de pouvoir (proviseur, directeur d'établissement, juge), qui fait parler un enfant ou un adolescent, se met en empathie avec ce dernier, et quand celui-ci accuse un professionnel, va toujours avoir tendance, en l'absence de preuves, dans le doute, à se ranger du côté de l'enfant, de l'ado. Pourquoi? D'abord il s'agit d'une forme de vanité : on oublie l'esprit de justice pour se faire justicier, il y a une forme d'orgueil angélique. Ensuite, on a tellement peur de laisser passer une maltraitance qu'on va préférer se mettre du côté de l'enfant ou de l'ado plutôt que de défendre le professionnel, quitte à commettre un injustice. De plus, il y a une forme de lâcheté : les responsables d'établissements scolaires ont tellement peur des plaintes des parents qu'ils préfèrent sortir le parapluie, quitte à accuser à tort un professionnel. C'est, me semble-t-il, ce qu'il s'est passé à Outreau : la parole des enfants a été survalorisée et la nécessaire prudence a été oubliée. Ce qu'il m'est arrivé n'est pas très grave, mais significatif : mon directeur, un jour, m'a accusé d'avoir été "méprisant" avec un élève. C'était évidemment faux. Il se basait, pour m'accuser, sur la parole d'un jeune, transmise probablement par un éducateur. Il m'annonce d'emblée qu'il m'envoie la conseillère pédagogique tout en me menaçant, si je refusais, de convoquer l'inspectrice, et tout en me signifiant qu'il pourrait très bien décider de me priver de classe. Je n'ai pas pu savoir de quel élève il s'agissait, ni quel éducateur avait fait remonter l'affaire, ni ce qu'avait dit l'élève exactement! On protégeait l'élève et on voulait m'empêcher de tirer les choses au clair. Bien sûr, le directeur n'a pas jugé utile de me demander ma version de l'affaire, de vérifier auprès du professionnel que je suis si les faits imputés étaient vrais ou pas. J'en ai conclu que le point de vue du professionnel ne l'intéressait pas, qu'il s'en tenait à la version de l'élève, qui pour lui était la vérité. On est là dans le plus pur fantasme. Ce directeur d'établissement semble ne vouloir entendre que la parole des élèves, et néglige le plus souvent de demander aux professeurs que nous sommes de lui donner la version des faits. Du coup, on est souvent obligés de prendre les devants et d'aller dans son bureau pour le forcer à nous entendre quand il y a eu un problème avec l'élève, avant qu'il n'interroge l'élève. Mais, le plus souvent il ne semble pas avoir envie de nous entendre, la réaction étant souvent de la mauvaise foi. Ce mode de fonctionnement, je pense, existe dans beaucoup d'établissements. On survalorise la parole de l'élève, qui est quasi sacralisée, et on récuse la parole de l'adulte, comme si la parole de l'élève était à priori fiable et que celle de l'adulte faisait l'objet d'un soupçon systématique. Ce qui explique ce comportement, selon moi, c'est qu'on accorde à l'élève (particulièrement dans mon établissement) un statut de victime à priori et que donc, naturellement, en cas de mise en cause d'un professionnel par l'élève, on va se mettre du côté de l'élève, car il est "naturel" de se mettre du côté de celui qui est victime. Ce directeur ne s'est pas gêné pour appeler mon inspectrice devant laquelle j'ai dû me justifier. J'ajoute que ce type de problème peut prendre des proportions graves : un éducateur de mon établissement, il y a quelques années, avait été accusé à tort un d'avoir violé une adolescente... Je trouve ce mode de fonctionnement assez inquiétant et, surtout, j'ai compris qu'il fallait me défendre, me renseigner sur mes droits, montrer les dents. Je pourrai, dans un prochain message, donner d'autres exemples de la manière dont la parole de l'enfant et de l'adolescent est sacralisée dans mon établissement et plus généralement dans l'Education Nationale. |
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