Etat de droit
[7 juillet 2006]
Proposition E4 Proposition complète
Pourquoi
Pourquoi
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1 Pourquoi serait-il essentiel qu'il y ait une contrepartie importante,
en terme d'autorité, à l'amélioration significative des conditions de travail des directeurs d'école provinciaux en matière
de décharge ? D'abord, serait-on tenté de dire, on n'a rien sans rien... (Les directeurs parisiens, en échange d'une
décharge totale financée pour moitié — voire aux trois quarts si l'école n'est pas grande — par la
mairie de Paris, sont censés travailler un peu pour elle.)
Mais concrètement, lorsqu'un enseignant du primaire voudrait « marquer le coup » suite à un acte ou propos
d'élève particulièrement grave, en faisant conduire ce dernier dans le bureau de la directrice, le peut-il ? Les trois
quarts du temps : NON. Voire presque jamais. Pourquoi ? Parce que les trois quarts du temps (ou la moitié du temps mais
pour des écoles qui peuvent avoir jusqu'à douze ou treize classes) la directrice de province est dans sa classe ! Et
lorsqu'elle ne l'est pas, les tâches administratives qui s'accumulent ne lui permettent pas de remplir le rôle d'une
autorité supérieure, en quelque sorte, aux yeux des élèves. Les instituteurs ne peuvent donc pas
trop compter sur elle en cas de problèmes d'indiscipline ou de violence.
Ce dernier constat, consécutif à la nette insuffisance des
décharges de direction, constitue un réel problème. En effet, dans les écoles difficiles, les barèmes d'accès sont
souvent bas tandis que le « turn-over », lui, est élevé. Cela signifie que les enseignants qui y exercent
sont souvent peu expérimentés ET nouveaux dans l'école. Or, beaucoup
plus encore qu'ailleurs, dans ces contextes où les incivilités sont monnaie courante, les professeurs nouvellement
nommés ont naturellement plus de mal à se faire respecter qu'une directrice installée depuis des années, qui aurait
eu le temps de se faire accepter par les familles (au besoin
par quelques procédés discutables
mais qui s'expliquent), d'autant qu'elle détiendra souvent certaines prérogatives que n'auront pas les
enseignants nouveaux dans l'école : par exemple celle d'avoir la main sur les dossiers pour le passage
en 6e, ou bien sur les sorties qui dépendent financièrement de la mairie, etc.
Il ressort de cette petite analyse que le directeur ou la directrice d'une école difficile est
généralement mieux placé(e) que la plupart des autres enseignants pour pouvoir asseoir une certaine autorité
aux yeux des élèves et de leurs familles. Cette autorité devrait donc être considérée comme précieuse et potentiellement
utile pour les nouveaux enseignants (nouveaux dans leur métier ET dans l'école). Or, elle est sous-utilisée en raison
de l'insuffisance des décharges puisque la directrice, en province, ne peut pas être partout à la fois ! C'est là un
véritable gâchis d'autorité particulièrement coûteux tant sur le plan humain
que sur le plan économique, comme nous allons le voir ci-dessous.
2 Après tout, les principaux de collèges sont entièrement déchargés de cours, quand bien même le nombre de leurs élèves est inférieur à celui d'une école de huit classes dont le directeur, lui, n'a qu'un seul jour de décharge et aucun personnel administratif ou autre pour le seconder dans ses multiples tâches... On dit souvent que la racine du problème de l'échec scolaire provient de l'enseignement primaire. Et c'est indéniable. Mais dans ce cas, pour le moins, il est impossible de justifier qu'un directeur d'école soit quatre fois moins déchargé de cours qu'un principal de collège avec un nombre d'élèves équivalent ou moindre.
3 En quoi cette augmentation des décharges de direction serait-elle rentable sur le plan humain
et sur le plan économique dès lors que la contrepartie en matière d'autorité serait acceptée ?
Comme souvent, pour tenter de répondre à ce type de question, il faut peser le pour et le contre.
Tout d'abord sur le plan humain. Ici, «il n'y a
pas photo», comme disent les turfistes... Il est évident qu'une directrice beaucoup plus disponible
représenterait une grande bouffée d'air frais, surtout dans les écoles qui cumulent les handicaps. A partir du
moment où elle accepterait d'employer l'essentiel de son nouveau temps disponible pour épauler ses collègues,
rappeler régulièrement aux familles les règles de vie en classe et veiller durablement à ce qu'un minimum de
discipline soit respecté dans l'enceinte scolaire, le fonctionnement de l'école s'en trouverait grandement
amélioré sur tous les plans : diminution de la violence, meilleur respect des élèves entre eux et des élèves
vis-à-vis des enseignants (voire des enseignants vis-à-vis des élèves), amélioration de l'écoute et du travail
en classe, possibilités accrues de réalisation de projets jusqu'à leur terme, confiance en soi retrouvée chez
beaucoup d'élèves, meilleure ambiance générale et meilleur niveau scolaire final.
Sur le plan économique, il faut essayer de tout prendre en compte : le court terme comme le long terme, le coût
supplémentaire comme les économies et réductions budgétaires prévisibles. Commençons par les dépenses, c'est-à-dire
ce qu'il y a de plus visible dans l'immédiat. En toute vraisemblance, le poids budgétaire de ce type de mesure
correspondrait à quelques milliers d'Emplois Temps Plein à l'échelle nationale. Cela n'est certes pas rien.
Mais voyons maintenant les économies potentielles qui pourrait s'ensuivre.
On le sait, en raison de tous les problèmes d'indiscipline et d'échec scolaire que nous connaissons actuellement,
de nombreux professeurs (et autres intervenants) sont utilisés pour peu d'élèves : membres
du RASED en primaire, nombre grandissant de classes à très faible effectif dans le secondaire, aides individualisées
et cætera. Par ailleurs, du fait que l'indiscipline généralisée rend le temps passé en
classe de moins en moins efficace quant à l'acquisition des connaissances, le temps dépensé pour atteindre un niveau
donné s'accroît au fur et à mesure. Et l'on comprend bien qu'il s'agit de dépenses supplémentaires à tous les niveaux :
de temps mais aussi d'argent puisqu'il faut payer plus de professeurs et pendant plus longtemps qu'avant pour obtenir un même résultat. Que cela
plaise ou non : le temps, c'est aussi de l'argent... (Le fait qu'on ait donné aux parents le pouvoir de refuser
redoublements et orientations dans de nombreux cas de figure n'y change rien : il faut, au final, verser beaucoup
plus de salaires qu'avant pour que les apprentissages se fassent... ou qu'ils ne se fassent pas du tout.) En termes
strictement économiques, on pourrait dire, sans trop de risque de se tromper, que notre système scolaire public est
de moins en moins «compétitif», avec bien sûr d'importantes disparités d'une
école à l'autre. Tout cela coûte donc extrêmement cher à la collectivité nationale ou aux
collectivités locales (ce qui revient à peu près au même pour le contribuable). Et pas seulement sur le coup ! Les
conséquences néfastes — aussi bien humaines qu'économiques — ne s'arrêtent hélas pas là...
En effet, l'actuelle carence d'autorité à l'école non seulement empêche que les élèves étudient dans de bonnes
conditions, mais bien évidemment, elle les habitue aussi à ne pas faire d'effort, à ne pas avoir de limites, à
manquer de respect aux adultes, aux autres élèves et finalement à eux-même. Bref, elle laisse la société de
demain se développer sur de très mauvaises bases : sur fond d'assistanat et de délinquance programmés. Or, le
coût de cette déliquescence est incommensurable... Même si on ne pourra jamais le chiffrer précisément, il ne
peut être que très supérieur à l'équivalent de quelques milliers d'Emplois Temps Plein, qui ne pèsent pas lourd
face à des millions d'allocations versées, une délinquance qui continue d'augmenter inexorablement, des
dépenses sécuritaires qui vont elles aussi continuer de croître, une insuffisance de main-d'œuvre qui restera importante, le travail au noir qui continuera
de prospérer, les caisses de l'Etat qui continueront de s'apauvrir, etc. etc.
En définitive, si l'on additionne le surcoût salarial à court et moyen termes avec les multiples dépenses à
long terme aux niveaux social, sécuritaire et judiciaire, mais aussi en termes de santé, d'assurances, de
réparations... on se rend bien compte que cette carence d'autorité en milieu scolaire
génère d'exorbitantes dépenses à court, moyen et long termes. Et que ne pas traiter ce problème
en priorité, c'est être sûr que les déficits ne seront jamais comblés. En traduction concrète, cela
pourrait bien se solder un jour par un non-paiement des retraites (ou au mieux : leur diminution
régulière) de ceux qui auront pourtant cotisé toute leur vie...
C'est pourquoi cette augmentation des décharges de direction revêt un caractère absolument essentiel. A partir du
moment où les directeurs d'école auraient pleinement accepté la contrepartie qui leur serait demandée en matière
d'autorité (et seraient tenus de s'y conformer avec assiduité, condition
sine qua non du maintien de leur temps de décharge accru), il y a fort à parier qu'on
assisterait à une baisse — progressive mais continue — de la violence scolaire, à plus de comportements
respectueux, à une meilleure ambiance générale... Tous ces éléments qui se rejoignent et s'additionnent auraient un
impact extraordinairement positif sur la gestion des classes et le niveau scolaire de chacun puisque les capacités
de travail en sortiraient décuplées, soutenues en cela par une dynamique collective retrouvée. Or,
cette amélioration significative des conditions de vie à l'école rendrait enfin possible la programmation d'économies
budgétaires sans que le service public d'enseignement n'en pâtisse : moult postes (d'enseignants dépourvus de
classe ou prenant en charge très peu d'élèves) pourraient en effet être économisés du fait que les besoins en soutien
scolaire ou en encadrement renforcé auraient diminué. Surtout, ce sont toutes ces dépenses sociales, sécuritaires,
judiciaires, bref, toutes ces dépenses structurelles en permanente augmentation que l'on pourrait enfin voir un
jour stagner, puis décroître, à condition d'avoir un peu de patience et de persévérance...
Si la logique du long terme pouvait donc l'emporter au moins une fois sur la logique du court terme, on pourrait ainsi
s'apercevoir que la dépense initiale qui consisterait à augmenter assez fortement les temps de décharge des directeurs
d'école (contre la contrepartie mentionnée) constituerait un investissement formidablement rentable
à tous points de vue et que nous y gagnerions tous en fin de compte(s).
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