Etat de droit
[8 mai 2007]
Proposition J3 Proposition complète
Pourquoi
Pourquoi
?
?
A l'heure où l'on parle de
mérite, d'efforts et enfin d'autorité, quelle est la démonstration de mérite, d'efforts, d'autorité dans le principe
des remises de peine AUTOMATIQUES ?
Par définition, ces remises ne sont soumises à aucune contrepartie. C'est une façon comme une autre —
une parmi tant d'autres mais qui revêt ici un caractère presque indécent — de régler artificiellement
le problème de la surpopulation carcérale en France. Or, cette façon de procéder pose de
graves problèmes : celui du respect des victimes, celui de l'autorité des juges, celui de la perte des
repères, celui de l'insécurité publique.
En effet, les victimes ou parties civiles pensent que le coupable va subir telle peine. Parce qu'elles ont entendu le
juge la prononcer. Or, à la mise à nue de leur souffrance, notre système judiciaire — tout soumis qu'il est à
cette même idéologie anti-sanction que l'on retrouve au cœur de notre système éducatif — répond par une
mise en scène de plus en plus éloignée de leur besoin d'une Justice bien réelle et concrète. Dans le cas des
remises de peine automatiques, notamment, on ne demande jamais leur avis aux victimes...
Par ailleurs, que penser de l'autorité du juge qui prononce les peines lorsqu'on sait que son collègue chargé de les
faire appliquer peut transformer un an de prison ferme en... rien du tout ! (Selon l'article
D 49-1 du Code de procédure pénale et compte tenu que «l'aménagement» d'une peine
se traduit rarement par un réel suivi de la mesure alternative qui la remplace et qui s'en retrouve donc elle-même
souvent réduite à néant.)
Comment veut-on apprendre le goût de l'effort et quelques règles de vie commune à des personnes condamnées à 3 mois
ferme, 6 mois ferme, 9 mois ferme, et qui, sans aucun effort particulier, d'un seul coup d'un seul, vont voir leur
peine fondre comme neige au soleil ? Peu importe d'ailleurs les raisons du Juge d'Application des Peines (en la
circonstance) : le résultat final est le même, qu'il soit «bienveillant»
ou débordé ou qu'il voie simplement se profiler les multiples remises, grâces, amnisties... et en conclue
logiquement qu'il ne sert à rien de placer en détention des délinquants qui pourront ressortir le lendemain.
Ceux-là, croit-on vraiment les encourager à mieux se comporter ? Quand on parle d'impunité, il faudrait être précis :
il s'agit d'une impunité institutionnelle organisée, d'une insécurité programmée, auxquelles
participent pleinement les remises de peine automatiques tout comme les
«aménagements» théoriques précités.
A l'heure où l'on parle d'équité,
où l'on dénonce les inégalités, quelle est la démonstration d'égalité de traitement dans des grâces
collectives qui tombent régulièrement à certaines périodes de l'année et pas à d'autres ?
Selon que vous serez jugé en mai-juin ou en septembre-octobre, vous n'aurez pas droit au même traitement. Il
n'y a strictement aucune légitimité à cela. Les traditionnelles grâces
collectives apporte donc un critère purement aléatoire dans le régime d'exécution des peines. C'est la loterie.
La Justice française est devenue une loterie. Quand on sait que l'Homme est perfectible,
que dans tout processus judiciaire de nombreux éléments subjectifs entrent en ligne de compte, au moins aurait-on
espéré pouvoir s'appuyer sur le seul élément objectif : le prononcé du jugement. Eh bien non ! Même cela est
fortement soumis aux aléas : à l'appréciation du Juge d'Application des Peines, au degré de saturation des
tribunaux, à la date du jugement, aux élections en cours...
Tout semble fait pour que l'arbitraire ait toute sa place, une place hélas prépondérante. Comment veut-on que
l'institution judiciaire soit respectée si l'équité ne l'est pas ? Une fois encore, les professionnels de la
Justice ne sont pas en cause : ce sont les règles énoncées par le législateur et certaines pratiques de nos
gouvernants qu'il faut changer. Il serait donc temps de siffler la fin des grâces collectives et autres
amnisties, qui n'ont plus d'autre raison d'être qu'une habitude commode aux effets
contreproductifs.
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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006