Etat de droit
[26 avril 2007]
Proposition J1 Proposition complète
Pourquoi
Pourquoi
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1 — Lorsque les décisions de Justice ne sont pas appliquées, les magistrats et greffiers ont travaillé pour RIEN,
les victimes ou plaignants se sont battus pour RIEN, les fonctionnaires de police ou services juridiques ont été mobilisés
pour RIEN, les parlementaires ont voté pour RIEN. Combien d'argent public ou privé est-il ainsi gaspillé chaque année ?
Combien de temps et d'énergie perdus ? De sentiments d'impuissance ou d'injustice accumulés ?
La priorité des priorités, ce devrait être de sortir de ce gâchis permanent, de
cette fiction institutionnelle. Dans le fond, il ne sert pas à grand-chose d'augmenter
les moyens de la police si la Justice ne peut pas suivre, il ne sert à rien ou presque de créer de nouvelles
infractions si les capacités de traitement des juridictions restent à la traîne. Petit rappel : la loi du 15 juin 2000 (sur la présomption d'innocence) a imposé de nouvelles charges aux
juges, la délinquance augmente bon an mal an avec au moins deux facteurs aggravants (rajeunissement et
violence gratuite), les litiges se multiplient, les délais s'allongent toujours, les affaires non traitées
débordent, les classements sans suite prolifèrent, les jugements inappliqués foisonnent, le «rappel à la loi» remplace chaque jour davantage la sanction dissuasive ou
réparatrice, à chaque fois faute de personnels... mais le budget de la
Justice, lui, continue de stagner, d'être au plus bas et l'un des plus faibles d'Europe.
Or, répétons-le, laisser notre Justice dans un tel état d'indigence, c'est pédaler dans le vide, c'est
rendre le travail de la police en grande partie inutile et faire peu de cas des
risques pris par ses agents, c'est faire perdre aux gens toute confiance en leurs
institutions, c'est dévaloriser le rôle du juge qui s'en retrouve de
moins en moins respecté (y compris dans l'enceinte même du tribunal), c'est donc multiplier les coups
d'épée dans l'eau avec l'assurance que le nombre d'infractions commises ou de litiges non apaisés va
continuer de croître, et son lot de victimes ou de mécontents aussi... C'est alors prendre le risque
que la justice privée remplace à terme la Justice publique. C'est un danger mortel pour notre Etat
de droit et pour la République.
2 — Après le constat du panier percé, venons-en précisément à celui de l'insécurité et de l'incertitude
qui en découlent très directement. L'absence d'exécution des peines est le principal facteur de
récidive, dénonce M. Bruno Thouzellier, Président de l'Union Syndicale des Magistrats (La
Tribune, 27 mars 2007). Qui pourrait en douter ? Comment ne pas comprendre que : plus la Justice républicaine
devient virtuelle, plus la tentation délictueuse (d'une part) et celle de vouloir se faire justice soi-même (d'autre
part) deviennent prégnantes. A force de laisser se délabrer l'instrument judiciaire, nous avons déjà encouragé la
formation des «bandes» ; veut-on maintenant faire renaître les milices ?…
Si nous ne le voulons pas, il faudra bien trouver le moyen de passer d'une Justice virtuelle à une Justice réelle.
Mais que faire quand les déficits sont au plus haut, quand l'argent finit par manquer partout ? Seule possibilité :
rationaliser les efforts, garantir une cohérence globale de fonctionnement
de l'ensemble de la chaîne pénale (de l'enquête ou plainte jusqu'à la peine ou réparation
effective), de l'ensemble du processus civil ou administratif
(du contentieux ou de la requête jusqu'à la résolution concrète du litige).
C'est pourquoi, lorsque l'argent manque, et pour s'en tenir au pénal, plutôt que de multiplier les interpellations
d'un côté et les rappels à la loi de l'autre (que d'aucuns entendent pour la vingtième fois...) faute de mieux, le
moindre mal consisterait à déplacer ponctuellement une petite partie des moyens alloués au début
du processus vers le milieu et la fin du processus. Prenons un exemple d'action
publique : il serait plus rentable de n'interpeller que 50 auteurs d'infraction si 40 d'entre eux accomplissent
une peine proportionnelle à leur acte, plutôt que d'en interpeller 100 dont seulement 5 l'accompliront. Car
l'impunité demeurent presque entière si le récidiviste ne connaît que quelques gardes à vue : ce n'est pas
la police qui a le pouvoir de punir, c'est le juge ! Et pour que ce pouvoir soit réel, c'est-à-dire
dissuasif, il faut que ses décisions soient traduites dans les faits. Par
conséquent, l'indicateur le plus pertinent pour savoir si une politique pénale est efficace ou non,
ce n'est ni le nombre de personnes arrêtées, ni le nombre de décisions rendues à l'audience, mais
le nombre de décisions appliquées. Or, aucune statistique n'existe à cet
égard. Par peur du résultat...
Voilà pourquoi il apparaît
aujourd'hui impératif de garantir que l'attention portée à la fin de tout processus judiciaire soit désormais au moins
aussi grande que celle portée à son commencement. Seule une maîtrise de l'ensemble du processus peut le permettre.
Il faut donc donner à une même équipe de responsables les moyens de mener une politique globale et cohérente
en matières d'ordre et de justice publics, de façon à ce que ces deux faces d'une même réalité puissent enfin
converger dans une complémentarité rigoureuse, seule à même de donner du sens à l'action publique.
Ainsi est-il nécessaire que soit créé le poste de ministre d'Etat chargé de coordonner les activités des
ministères de l'Intérieur et de la Justice au niveau des grands choix législatifs ou réglementaires.
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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006