Etat de droit
[18 mai 2007]
Proposition J4 Proposition complète
Pourquoi
Pourquoi
?
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On ne cesse de dire qu'un délai
trop important entre une condamnation et son exécution équivaut en grande partie — voire entièrement — à
une impunité de fait, facteur premier de la récidive. Plusieurs
raisons à cela dont celle-ci : de longs mois, et a fortiori plusieurs années, font perdre au jeune délinquant,
surtout s'il est mineur, la notion de causalité entre ce qu'il commit et l'éventuelle sanction finalement infligée
(mais d'autant moins qu'elle arrive très tardivement). Le lien n'existe plus entre les deux.
Ce lien qui permet de dissuader l'auteur d'infractions de recommencer... Sans ce lien, le sentiment très fort d'impunité
qui en découle ne peut qu'augmenter le risque de récidive.
Or, le problème du délai abusif entre un jugement et son exécution ne se pose pas qu'au pénal : combien de
conflits douloureux le sont d'autant plus que les décisions tardent tant et plus à être mises à exécution ? A
force d'attendre, les gens y croient de moins en moins. L'inertie du système les fait abandonner. L'exécution
espérée, en définitive, n'arrive jamais ou très partiellement... La justice civile est pourtant
un pilier fondamental de l'institution judiciaire puisqu'elle est censée résoudre les conflits par la loi
républicaine plutôt que par celle du plus fort ou du plus lâche. Mais si la résolution, finalement, n'intervient
pas, que reste-t-il aux personnes flouées — à ces «honnêtes gens» qui ont
accepté de jouer le jeu d'un Etat de droit qui s'avère cruellement défaillant — à part remâcher l'injustice qui
leur a été faite et rêver de se faire justice elles-mêmes ?
De fait, l'absence
d'une justice civile effective ne peut que générer à terme une recrudescence des infractions, notamment des
atteintes aux personnes ; et l'absence d'une justice pénale effective ne peut qu'amplifier
encore ce phénomène. Toute la faiblesse de notre système judiciaire actuel, tant dans sa sphère civile que
pénale, converge donc vers une même conséquence dramatique : l'augmentation inévitable de la délinquance qui,
elle, est assurément effective...
Dans ce type de configuration, l'action préventive de la Justice se voit ainsi réduite à néant. C'est-à-dire que ne
pas juger ou juger sans qu'une application rapide n'intervienne, cela revient au même en matière
d'injustice, est-on obligé de dire. Le deuxième cas de figure, dans sa globalité, est même pire : non
seulement il n'améliore rien sur le plan de la sécurité, mais en plus il coûte ! Et décrédibilise profondément
l'institution judiciaire. C'est comme commencer un projet et l'arrêter en cours de route. C'est un investissement
perdu. De l'énergie gâché. De l'argent jeté par les fenêtres...
En somme, il nous faudrait enfin accepter de hiérarchiser trois types de situation possibles, de la meilleure
à la moins bonne :
1) juger les situations ou les personnes et faire exécuter les jugements ;
2) ne pas juger ;
3) juger les situations ou les personnes et ne pas faire exécuter les jugements.
En effet, il vaudrait encore
mieux ne pas juger plutôt que de juger de manière fictive, pour les raisons indiquées ci-dessus. Or, nous baignons
actuellement — pas tout le temps, heureusement ! mais en grande partie tout de même... — dans le troisième
type de situation. Le pire. En matière pénale notamment, il serait temps de remettre en cause les récentes dispositions
visant à profiter systématiquement à l'auteur de délits ou crimes au détriment de la plus élémentaire justice pour les
victimes, de la plus élémentaire rentabilité de l'argent public, et de toute prévention basée sur la dissuasion.
Arrêtons de juger ou bien jugeons pour appliquer ! Dans cette dernière perspective, force est d'admettre que
le problème des délais doit être considéré comme crucial. Cela a sans doute un coût,
certes, mais à court ou moyen terme seulement. En effet, dès lors que les auteurs d'infractions seraient
persuadés que s'ils sont pris et jugés ils effectueront leur peine, il serait enfin permis d'espérer qu'un
bon nombre d'entre eux renonceraient à en commettre davantage. C'est le principe même de la dissuasion,
principe qui depuis longtemps a fait ses preuves. Les exemples existent partout autour de nous. Et chez
nous aussi : la politique de prévention routière qui fit chuter le nombre de morts sur les routes, de
blessés et de familles endeuillées, fut essentiellement basée sur la dissuasion.
Ainsi, l'argent dépensé pour accroître significativement la rapidité d'exécution des jugements, en faisant à son tour
chuter le nombre réel d'infractions — au fur et à mesure mais de façon structurelle et donc à long terme —
permettrait d'en économiser bien davantage à terme : quand la délinquance baisse, les besoins en policiers, en juges et
greffiers, éducateurs, gardiens de prison... baissent en proportion. L'argent dépensé pour cet
objectif serait donc surtout un investissement destiné à générer (entre autre) des économies
par la suite.
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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006